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Channel: conseil constitutionnel; justice des mineurs; droit pénal – Droits des enfants
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Les enfants ont droit à l’amour, pas à ce qu’on leur fasse ! Bis repetita

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La polémique ne date pas d’aujourd’hui. Gabriel Matzneff faisait scandale alors même qu’il était encore journaliste au Monde. L’interpellation frontale et en direct de Denise Bombardier sur le plateau d’Apostrophes en 1990 ne l’avait pas laissé intact. D’ailleurs qui parlait ces derniers temps des qualités littéraires d’un écrivain qui semble avoir une retraite végétative dans la plus grande indifférence, ce qui ne doit pas être plus facile à supporter ?

Ce qui depuis quelques jours force à réagir c‘est bien évidemment la force d’entrainement du témoignage d’une victime. Il emporte plus l’indignation que l’avis des professionnels et des militants que nous étions dans les années 90 à travers notamment le Journal du droit des Jeunes ou quand nous développions, avec des Stanislas Tomkiewicz et autres Pascal Vivet, que les enfants avaient droit à de l’amour – au sens affection -, mais pas à ce qu’on leur fasse.

Aujourd’hui le témoignage de Vanessa Springora sur ce qu’elle à vécu, son analyse du processus d’emprise, sur les conséquences de ces agissements dans sa vie d’adulte et de femme fait la différence et force à voir. D’autres viendront surement. Ce sont des anciens de l’ASE, pour ne pas dire de la DDASS, qui mettent en cause ce qu’ils ont pu vivre au travers de la prise en charge institutionnelle ; des personnes violentées sexuellement par des prêtres à travers notamment l’association La Parole libérée qui les regroupe ont aussi parlé avec simplicité, mais vigueur de ce qu’elles ont vécu et de ce qu’elles continuent à supporter. C’est déjà la première leçon que nous devons tirer de la séquence que vit la protection de l’enfance depuis ces dernières années : la parole des « victimes » contribue à bouger les lignes. Les prédateurs peuvent échapper au rigueur du droit grâce à la prescription, mais pas à l’interpellation de la mémoire sociale. Nous touchons à terme les bénéfices de ce mouvement de libération de la parole enclenchée il y a quatre décennies. Reste que le procès médiatique et le procès des réseaux sociaux appellent à des précautions et exigent des garanties.

Reste l’accusation de complaisance sinon en complicité faite aux élites passées.

Bernard Pivot avec honnêteté admet qu’il aurait pu faire preuve de plus de pugnacité, surtout avec Denise Bombardier à ses côtés. Bien sûr on le voit badin et souriant, en parfait hôte, à l’écoute d’un mode de vie « intéressant ». Pourtant pas un seul instant on imagine qu’il a cautionné sciemment ces pratiques que fondamentalement il doit reprouver. C’est l’époque dont il était l’un des phares qu’il faut interpeller. On est d’autant plus choqué quand on  revoit ces images avec en arrière-fond une réelle connaissance en tout cas meilleure de ce que ces faits recouvrent pour trop d’enfants.

On est alors dans la dynamique de mai 68. Le fameux slogan interdisant d’interdire s’était décliné notamment par la libération sexuelle hors mariage, entre personnes du même sexe et dans la prise en compte aussi de l’emprise des adultes sur les enfants.

Certains ont alors pu camoufler leur appétit sexuel et assouvir leurs pulsions derrière cette idée que l’enfant avait une sexualité et devait pourvoir la satisfaire. Non seulement Gabriel Maztneff revendiquait publiquement, sans vergogne, ses « amours », mais il prétendait satisfaire d’abord ces jeunes personnes avec qui il en entretenait des relations. La fatuité du vieux beau et de l’homme viril ; en vérité de celui qui est incapable – et il l’a admis – de prendre autre chose que des râteaux de la part de celles ou ceux qui sont à égalité avec lui en âge et en entregents. De fait il use et abuse de son emprise pour commettre ses crimes. Et il fait payer aux enfants son impuissance à entretenir des relations avec des personnes en rapport d ‘âge.

Dans cette période d’affirmation du fait que l’enfant est une personne et a des droits – la Convention internationale sur les droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989 et la réflexion sur le statut de l’enfance ne font qu’émerger au regard de l’histoire – notre société n’a pas suffisamment réfléchi alors aux conditions d’exercice de ses droits. Quand on commence à affirmer que les relations entre adultes devaient être égalitaires alors que jusque-là l’un – l’époux seigneur et maitre du ménage avait un droit de cuissage sur la femme qui n’a disparu qu’en 1995 avec la reconnaissance du viol entre époux – s’imposait à l’autre, on ne réalise pas avec vigueur que l’enfant n’est pas à égalité avec l’adulte qui lui fait des avances et le charme.

Un rappel s’impose ici qui éclaire cette période. Ce n’est que qu’à partir la décennie 80 que l’on prend conscience des violences faites aux enfants dans la pays des droits de l’Homme . L’enfant du placard – le petit David – a fait électrochoc en 1982 en écho aux travaux dr Pierre Strauss et de l’AFIREM. La France s’est (r)éveillée aux violences faites aux enfants. S’en est suivie la libre opinion de G. Dufoix « Oser parler la maltraitance et une grande circulaire interministérielle – la première du genre – et ses quatre circulaires d’application où il n’était pas explicitement question des violences sexuelles faites aux enfants. Les pouvoirs publics ne s’estimaient pas mûrs pour aller au-delà de la dénonciation notamment de l’inceste en avançant des réponses autres que répressives. Il fallut attendre le ministère Barzach pour ce que ce soit chose faite, puis 1989 pour qu’avec Martine Aubry on se préoccupe des violences institutionnelles. Entretemps dans la foulée du rapport Barrot était votée une loi du 10 juillet 1989 sur la maltraitance à enfant. Bref, une décennie pour prendre la mesure du champ du problème ; pas nécessairement de sa gravité et de ses impacts. Précisons que cette dynamique n’est pas achevée à preuve le débat sur les violences psychologoques, l ‘emprise et le choc post-traumatique.

Reste que formellement la loi permettait déjà en 1990 de condamner un Gabriel Maztneff pour des relations avec des mineurs d’âge. Mais personne, y compris le parquet, en phase avec son époque, n’a pas jugé opportun d’engager les poursuites qui s’imposaient. On n’était pas loin de penser que législation était ringarde . Ne venait-on pas en 1981, à l’initiative de JP Michel alors député de voter la loi tenue pour porter la majorité sexuelle à 15 ans. Rien n’empêchait plus un enfant d’avoir une relation sexuelles avec une personne majeur et bien évidemment avec un mineur consentant.

Soyons lucides on a encore du mal à entendre le besoin de protection des victimes , par des sanctions contre les acteurs mais aussi des rappels très clairs de l’interdit à ceux qui pourraient être tentés. Souvenons-nous des affaires de Pontoise et de Melun en 2017-2018. A Pontoise, faute de violences physiques alléguées, le parquet avait renoncé à saisir un juge d’instruction du chef de viol pour les relations sexuelles qu’un père de famille de 28 ans avait infligé à une gamine de 13 ans. Au regard de la morphologie de la jeune fille le parquet craignait que la cour d’assises acquitte cet homme. Il préférait correctionnaliser sur le registre de l’atteinte sexuelle à mineur de 15 ans pour s’assurer auprès des juges professionnels d’une vraie condamnation. Il suscita un tollé. Pourtant il s’était montré lucide car quelques semaines plus tard malgré le scandale de Pontoise, la cour d’appel de Melun acquittait de viol un homme de 20 ans qui avait également eu des relations sexuelles complètes, sans violences physiques avec là encore une fillette de 13 ans. Le président des assises ayant omis d’exposer la question subsidiaire sur l’atteinte sexuelle sur enfant de moins de 15 ans l’homme sorti libre de l’audience avec les félicitations du jury ou presque. Bref dès lors qu’on ne retenait pas l’emprise ou la contrainte morale pour caractériser la violence du viol on laissait à penser dans ces deux affaires que ces deux adolescentes étaient consentantes. Une porte est ouverte ou fermée !

Après moultes imprécations et la promesse d’un acte législatif fort et clair sur le viol le gouvernement s’avérait au final incapable d’obtenir du parlement une disposition selon laquelle l’enfant de moins de 15 ans – âge finalement retenu par le président de la République – serait en toute hypothèse tenu comme non discernant dans ses rapports avec les adultes. Il avait omis que le Conseil constitutionnel s’oppose à ce qu’un accusé soit privé de la possibilité de contester ce qui est un élément constitutif de l’infraction reprochée. L’absence de consentement de la victime alléguée d’un viol doit pouvoir être contesté. On est donc resté avec la loi du 29 août 2018 à une présomption simple : le juge est invité à déduire de la différence d’âge ou de l’absence de discernement de l’enfant qu’il n’y avait pas consentement, mais le mis mise en cause peut tenter de prouver le contraire. Par exemple au nom de ce rapport amoureux encore excipé par Gabriel Matzneff.

Pour éviter ce flop, nous avions suggéré de quitter ce terrain du consentement et du viol pour faire des relations sexuelles entre adulte et enfant un crime formel lié simplement à la relation et à l’écart d’âge entre les deux protagonistes. La loi aurait dit simplement que quand on est un adulte on ne doit pas entretenir ce type de relation avec de jeunes personnes ! On créait une nouvelle infraction : les violence sexuelles criminelles à enfants. (Il aurait  même suffit de faire passer les peines délictuelles de l’atteinte sexuelle à mineur  non pas de 5 à 7 ans mais de 5 à 12 ans). Malgré le relais de certain(e)s parlementaires nous n’avons pas été suivi, le gouvernement s’opposant à cette option. Il s’est contenté de faire passer de 5 à 7 ans les peines pour atteinte sexuelle à mineur(1).

Ainsi encore en 2018 nous avons donc été incapables poser un message politique simple : « Touche pas à l’enfant, sinon ce sont les assises ! » Même dans les concepts nous sommes encore parfois encore ringards. Ne parle-ton pas encore d’abus sexuel comme s’il y avait un usage normal de la sexualité d’un enfant et de pédophilie – l’amour des enfants – quand il faudrait parler simplement de pédocriminalité. Tout simplement nous avons plus le souci de protéger l’auteur de fausses accusations que de prendre en compte la victime. L’affaire dite d’Outreau -et les manques de précautions des enquêteurs qui n’ont pas respecté la loi du 17 juin 1998 – nous a fait régresser dans la prise en contre de la parole des enfants. Au regard de ce qui se joue depuis ces derniers temps sur la dénonciations des agressions sexuelles subies par les femmes et tout simplement des féminicides on peut penser que les esprits vont évoluer.

N’oublions quand même pas que sur 30 ans nous avons marqué de nombreux points notamment à travers la loi dire Guigou du 17 juin 1998 et encore récemment en 2016 avec le maintien d’une prescription plus difficile à obtenir s’agissant d’enfants victimes – 30 ans pour crime à compter des faits – sans aller pourtant jusqu’à l’imperceptibilité de ces crimes. Et il est encore possible et encore améliorer notre législation et des résistances existent encore. Mieux les mentalités des professionnels ont évolué et surtout ils sont mieux outillés grâce à certains policiers militants même si l‘effort de formation à l’audition des enfants s’est relâché ces dernières années.

On retiendra que la loi permettait déjà en 1990 de poursuivre un Gabriel Maztneff pour ses actes pédocriminels. On  parait à l’époque d’attentat à la pudeur sur mineur (art. 331 du code pénal d’alors avant en 94 de parler d’&teinte sexuelle). Et cela ne l’a pas été. On l’a entendu et accepté comme une pratique sexuelle parmi d’autres. Alors malgré tout fondamentalement pourquoi cette posture sociale dans les années 90 et pourquoi pas encore actuellement.

Sans doute parce que collectivement nous n’avions pas – nous n’avons pas encore ? – pris conscience de l’impact pour ces enfants de relations sexuelles prodiguées par des adultes hors sa relation naturelle de découverte du corps , de désir réciproque, d’amour. On avait une réflexion aseptisée. On rappellera même que M° Petitti, alors bâtonnier de Paris, dans ces années dénonçait dans un silence quasi absolu de crime contre l’humanité quand il visait les enfants obligés de se prostituer dans les bordels asiatiques. (2)

C’est ce qui a changé aujourd’hui grave aux cris des victimes. On peut effectivement par-delà les condamnations morales parler de prédateur.

Ce qui me choque fondamentalement dans la polémique actuelle c’est qu’un Gabriel Matzneff puisse encore revendiquer (3) être victime d’un acharnement médiatique mais surtout de demeurer sur sa posture d’innocence : il a donné du plaisir. Pas un instant il réalise ce que sa victime lui renvoie. Il n’a pas exercé une emprise sur elle ; c’est son charme naturel d’intellectuel et d’homme expérimenté qui a agi. Il ne l’a pas violentée physiquement, elle s’est donnée … comme toutes les autres car tout imbu de lui i se vante de n’avoir pas manqué d’aimer et d’être aimé de très jeunes personnes ! Il a rendu service et devrait être décoré pour cela. Il tient le discours du vrai pédophile que nous dénonçons depuis 40 ans !

Je relève que les prêtres mis en cause dans des scandales pédocriminels, et déjà Mgr Barbarin, admettent tardivement certes mais admettent eux avoir pris désormais conscience que derrière l’objet sexuel il y avait une personne qui souffrait et souffre encore. On n’a même pas cette lucidité chez Gabriel Matzneff vieillissant.

Il est facile de juger le passé à l’aune de nos réflexions d’aujourd’hui. On a déjà fait un pas si on admet comme Bernard Pivot avoir manqué de lucidité, sinon de courage. Reste qu’il ne suffit pas de montrer du doigt des coupables – Maztneff, Polanski, tel ou tel producteur de cinéma ou réalisateur, etc.- il faut encore avoir le courage d’en tirer les conséquences. Et là ce que nous avons vécu en 2018 avec la loi dite Schiappa devrait nous amener à la modestie et à l’introspection !

En balayant le tapis des années 90 n’oublions pas celui des années 2018- 2020.

 

(1) Voir les billets sur ce blog concernant ce texte où mon analyse est bien qu’on a eu alors le souci de protéger les hommes contre de potentielles fausses accusations

(2) Nous avons pu faire condamner en 1998 par des peines sévères des français ou étrangers résidant habituellement en France en tordant le cou ) certaines principes procéduraux se livrant à des safaris sexuels.

(3) Avec le soutien de personnalités comme Fréderic Mitterrand qui déjà fustigeait avec deux autres ministres de droit et de gauche que l’on demande des comptes au génie artistique qu’est Roman Polanski

 

 

 

 


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